Découverte déterminante du théâtre... dans une quincaillerie !

Écarté des cours de français en 8e et en 9e années (il corrigeait le professeur…), ce qui lui a valu des heures de lecture solitaire à la bibliothèque de l’école, il crée, grâce aux encouragements du professeur Charlez aux cours de français oral de 11e année, le premier journal francophone dans un high school anglais : le French Cancan. Il vend 5 cents les exemplaires dans les couloirs de l’école avec des élèves nord-africains, qui collaborent aussi au journal ronéotypé. Cette année-là, refusant de suivre les cours de Mechanical Drawing que l’ensemble de sa classe avait adoptés, il choisit plutôt le cours « Art », où il se retrouve seul élève avec le professeur.


Diplômé en 1962, après sa 11e année, il rate son inscription à la Sir George Williams University (future université Concordia), car son père avait fait un chèque de 25$ sans provision pour l’ouverture de son dossier. Il va donc se chercher un emploi pour pouvoir payer une pension à ses parents. D’abord vendeur d’abonnements à des magazines de porte à porte, puis d’encyclopédies Grolier, coursier pour le magasin de meubles Woodhouse (à l’emplacement de l’actuelle Place des Arts), préposé aux retours pour une manufacture de vêtements, coursier encore pour la compagnie de chemins de fer Canadien National, il entre enfin comme vendeur à la chaîne de quincaillerie Pascal, au Centre d’achats Normandie, à l’automne 1963. C’est là, début décembre, qu’il fait une rencontre déterminante, celle de Marc Chartier, représentant de la compagnie Sylvania, un fabricant d’ampoules et d’accessoires électriques, qui l’invite à venir le voir jouer le soir au théâtre des Saltimbanques, 393, rue Saint-Paul Est, dans le Vieux-Montréal, dans une pièce d’Armand Gatti, L’Enfant-Rat.


Vaïs ne verra jamais le spectacle, mais son décor, puisque c’était la dernière représentation. Ce soir-là, le 6 décembre, il avait d’abord choisi d’aller avec une amie voir le spectacle du monologuiste Raymond Devos à la Comédie-Canadienne, dont il avait déjà appris quelques sketchs par cœur. C’est que le titre de « L’Enfant-rat » ne l’attirait pas… et il ne connaissait rien du théâtre. Son expérience de spectateur se limitait aux téléthéâtres des Beaux Dimanches à Radio-Canada, à un Hamlet vu avec sa classe un jour au Montreal High School par des comédiens de tournée, et à une partie de Bousille et les Justes de Gratien Gélinas, qu’il avait observée de la coulisse côté cour de la Comédie-Canadienne, car son frère Fabien, paralytique depuis l’âge de 2 ans, représentait cette année-là les enfants infirmes du Québec sous le nom de « Tiny Tim », pour une campagne de financement animée par un prestidigitateur célèbre de Montréal, Magic Tom. Avec Fabien, ce dernier devait faire une annonce à l’entracte, devant la caméra dressée dans la coulisse, pour Radio-Canada qui filmait le spectacle ce soir-là. Voir Gélinas en Bousille souffrir sur la scène, puis aller retoucher son maquillage en coulisse avant de revenir se faire torturer a profondément marqué le jeune Michel. Cela s’est passé le 18 avril 1962.